Le restaking, ou comment faire travailler plusieurs fois un même token
Dans une blockchain classique, un token « staké » (c’est-à-dire bloqué pour participer à la validation du réseau) sert à une seule mission : contribuer à la sécurité de cette blockchain. Tant qu’il est staké, ce capital reste immobilisé.
Mais le restaking propose une approche nouvelle : et si ce token, déjà utilisé pour sécuriser un réseau comme Ethereum, pouvait être réutilisé pour sécuriser d’autres services ? Des applications décentralisées, des oracles, ou même d’autres blockchains.
L’idée est simple à comprendre, mais puissante : au lieu de mobiliser de nouveaux fonds à chaque fois qu’un protocole a besoin de sécurité, on fait circuler la sécurité déjà en place, comme une ressource partagée.
Ce mécanisme permet de créer un véritable marché de la sécurité : un détenteur de tokens stakés peut les « mettre à disposition » d’autres protocoles, qui les rémunèrent en échange. La sécurité devient alors un actif monétisable, que l’on peut prêter, répartir et optimiser.
Pourquoi le restaking séduit autant

Ce nouveau modèle attire de plus en plus l’attention, car il permet de faire plus avec moins.
En réutilisant des tokens déjà stakés, les utilisateurs peuvent générer plusieurs flux de revenus avec un seul capital. Cela augmente mécaniquement la rentabilité. Le même ETH, par exemple, pourrait sécuriser Ethereum, mais aussi d’autres applications, et rapporter sur plusieurs fronts.
Côté projets, c’est aussi un avantage : plus besoin de créer son propre système de validateurs pour assurer la sécurité. Ils peuvent « louer » celle existante via des restakers, et ainsi démarrer plus vite, avec moins de barrières techniques.
En résumé, le restaking permet :
- Aux utilisateurs d’optimiser leurs rendements;
- Aux nouveaux projets d’accéder rapidement à de la sécurité;
- À l’ensemble de l’écosystème de gagner en efficacité et en capital disponible.
Un modèle séduisant… mais potentiellement fragile
Mais toute innovation puissante comporte ses risques. Et ici, le principal danger est souvent sous-estimé : la concentration du risque.
Vous avez staké vos tokens sur un réseau principal (comme Ethereum). Grâce au restaking, ces mêmes tokens sont aussi utilisés pour sécuriser d’autres services. Le problème ? Si un seul de ces services rencontre un problème sérieux (un bug, un hack, une crise de gouvernance), cela peut impacter l’ensemble de votre capital.
On appelle cela un effet domino : un protocole tombe, les tokens sont pénalisés (slashing), et vous perdez, même si les autres projets fonctionnaient bien.
Et si ces restaking layers deviennent trop gros ou trop présents, ils pourraient mettre en péril la stabilité du réseau principal lui-même. C’est un peu comme si tout le système reposait sur la solidité d’une seule poutre : très rentable quand ça tient, très dangereux si ça casse.
D’autres risques à prendre au sérieux
En plus de cet effet domino, plusieurs autres fragilités apparaissent :
Complexité croissante : il devient difficile pour un utilisateur de savoir où, comment et pourquoi ses tokens sont utilisés.
Manque de transparence : certaines plateformes ne détaillent pas clairement les risques liés à chaque usage secondaire.
Responsabilité floue : en cas de problème, qui est responsable ? L’utilisateur ? Le protocole tiers ? Le réseau d’origine ? La plateforme de restaking ? La réponse est rarement évidente.
Conclusion – Un pari sur l’efficacité… mais à quel prix ?
Le restaking ouvre un nouveau chapitre de la DeFi : plus agile, plus rentable, plus modulaire. C’est une avancée technique et économique importante.
Mais elle soulève une question centrale : peut-on empiler les usages sans empiler aussi les risques ?
Plus que jamais, les utilisateurs doivent comprendre où circule leur capital, qui le manipule, et quels scénarios extrêmes sont possibles. Car si tout le monde cherche à optimiser les rendements, peu de gens sont prêts à assumer les pertes lorsque tout est interconnecté.
C’est là que réside le vrai défi du restaking. Construire un système plus efficace, sans sacrifier la résilience. Et dans cette équation, la responsabilité de chacun (utilisateur, protocole, plateforme) ne doit jamais être effacée derrière des promesses de rendement.