Face à l’effondrement des revenus publicitaires, à la concentration des médias et à la méfiance grandissante du public, le journalisme indépendant traverse une crise profonde. De nombreuses voix cherchent des alternatives. Et certains se tournent vers le Web3. Technologie de rupture, promesse de décentralisation, nouveau modèle économique ?
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Pourquoi le journalisme a besoin de nouveaux modèles
Depuis des années, les revenus publicitaires s’effondrent pour les médias traditionnels. Le modèle de l’information gratuite financée par la pub est largement dominé par les GAFAM, qui captent aujourd’hui l’essentiel des budgets. Les médias, eux, peinent à survivre. Du côté du journalisme indépendant, la situation est encore plus critique : peu de moyens, forte précarité et dépendance à des plateformes centralisées comme YouTube, Instagram ou Substack.
Face à ces défis, certains cherchent des voies alternatives. L’objectif ? Retrouver une autonomie financière et éditoriale, en se réappropriant la relation avec le public. Le Web3, en théorie, peut répondre à cette ambition.
Que propose vraiment le Web3 pour les médias ?

Le Web3 permet d’expérimenter des modèles où les créateurs peuvent monétiser leurs contenus directement, sans intermédiaire. Des paiements à la carte (micropaiements), des abonnements gérés par smart contracts, des jetons communautaires ou encore des NFT éditoriaux… tout cela fait partie du champ des possibles.
Mais attention aux fantasmes : entre la promesse d’un Web plus juste et les réalités techniques et économiques, l’écart reste grand. Peu de solutions Web3 sont aujourd’hui prêtes à accueillir massivement journalistes et lecteurs.
Des initiatives réelles, mais inégales

Mirror : de la publication Web3 à la fusion avec Paragraph
Mirror.xyz, ancien fleuron de la publication sur la blockchain, a été racheté par Paragraph en 2024. Cette dernière développe désormais « Kiosk », une plateforme communautaire Web3. Mirror permettait aux journalistes de publier et de vendre leurs articles sous forme de NFT, mais son impact reste limité. Le pivot vers Paragraph semble viser un public plus large, mais à l’heure actuelle, les résultats concrets sont encore à suivre.
JournoDAO : l’expérimentation communautaire
JournoDAO se présente comme une communauté explorant l’avenir du journalisme à travers le Web3. L’initiative existe toujours, mais elle reste marginale. Elle organise des événements, partage des idées, mais ne dispose pas encore d’un produit concret ou d’un modèle éprouvé. Cela dit, elle montre que la volonté d’innovation existe, notamment chez les journalistes indépendants en quête de nouveaux outils.
Sphinx Chat : Bitcoin et messagerie pour créateurs
Sphinx Chat propose une messagerie chiffrée intégrant des paiements Lightning. L’outil reste très ancré dans l’écosystème Bitcoin et peu accessibles au grand public, mais il démontre qu’un autre modèle technique est possible.
Les limites actuelles du modèle Web3

Malgré ces initiatives, l’adoption reste marginale. Plusieurs projets annoncés comme révolutionnaires ont fermé (Coil) ou n’ont jamais dépassé le stade expérimental. Le public est encore peu prêt à payer pour des contenus, surtout en crypto. Par ailleurs, les frais de transaction, les interfaces complexes et le manque de régulation claire freinent l’adoption.
D’un point de vue éditorial, les journalistes doivent aussi apprendre à maîtriser de nouveaux outils, comprendre des logiques économiques inédites et composer avec des communautés parfois très techniques. Ce changement culturel ne se fait pas en un jour.
Vers un futur hybride ?

Le Web3 n’a pas encore sauvé le journalisme indépendant, mais il a ouvert une brèche. Celle d’un monde où les lecteurs soutiennent directement les créateurs. Où les modèles peuvent être inventés sur mesure. Où la désintermédiation redonne de la valeur aux contenus.
Il reste encore de nombreux défis à relever. L’éducation du public, la simplification des outils, la régulation adaptée et l’émergence d’un usage massif sont autant d’étapes à franchir. Mais à long terme, ce sont peut-être des modèles hybrides (mêlant paiement classique, mécénat, crypto et organisation communautaire) qui dessineront l’avenir de la presse indépendante.