La plateforme RealT, souvent citée comme un modèle de réussite dans la tokenisation immobilière, traverse une période de turbulence.
Le 17 juin 2025, la ville de Détroit a intenté une action en justice contre un partenaire de gestion lié à RealT. Elle l’accuse de négligence grave dans la gestion de plusieurs biens. Cette plainte vise des propriétés vendues via la plateforme, remettant en question l’efficacité et la solidité du modèle proposé par RealT.
Le débat sur les limites de la tokenisation immobilière à grande échelle est désormais relancé, en particulier lorsqu’elle se confronte aux défis structurels des marchés locaux.
Une plainte officielle contre les gestionnaires locaux

La ville de Détroit a déposé la plus grande action en justice pour nuisance publique de son histoire contre Real Token Inc. et ses 165 filiales.
Selon les autorités municipales, ces propriétés ont violé de manière répétée les codes locaux de construction, de santé et de sécurité. La négligence a conduit à des infestations de rongeurs, à la décomposition structurelle.
De plus, aucune des centaines de propriétés acquises par RealToken LLC et ses filiales ne possède le certificat de conformité requis, et la plupart sont en état de délabrement. La municipalité affirme que ces logements, loin de participer à la réhabilitation urbaine, accélèrent la dégradation du tissu social et architectural local.
Ce constat soulève donc une question essentielle : comment RealT sélectionne-t-elle ses gestionnaires locaux ?
Des investisseurs déroutés face à la réalité du terrain

88% des utilisateurs de la plateforme RealT ont investi moins de 5 000 dollars, avec des tokens démarrant à seulement 50 dollars. À l’origine, la promesse d’un rendement locatif de 6-16% annuel depuis 2019 les avait séduits. Cependant, ils découvrent avec amertume les carences de gestion sur le terrain.
L’absence de transparence sur l’état réel des logements pose problème. De même, le manque d’informations précises sur les conditions d’habitation alimente un malaise croissant. 46% des nouveaux détenteurs de tokens utilisent la fonctionnalité « Walletless » lancée au troisième trimestre 2022, facilitant l’investissement par carte de crédit. Ce contraste entre les promesses numériques et les réalités physiques provoque un profond sentiment de trahison.
Par ailleurs, certains investisseurs commencent à douter de la pertinence de la tokenisation immobilière dans des zones aussi fragiles. Surtout lorsqu’elle ne s’accompagne pas d’un suivi rigoureux des conditions d’habitation.
Quand les tokens cachent des ruines

Fondée en 2019, RealT a tokenisé plus de 400 propriétés aux États-Unis d’une valeur supérieure à 83 millions de dollars. Ces biens étaient présentés comme des opportunités d’investissement dans l’immobilier américain. RealT propose aux investisseurs internationaux une « propriété fractionnée de propriétés de Détroit représentées sous forme de tokens numériques ».
Toutefois, les enquêtes menées par des médias locaux révèlent une réalité bien différente. Ces logements présentent des conditions dangereuses et sont souvent inhabitables. Cette situation souligne un point fondamental : si la tokenisation permet effectivement de simplifier l’accès à la propriété, elle ne garantit en rien la qualité des actifs sous-jacents.
En conséquence, le fossé entre innovation technologique et réalité immobilière risque d’éroder la crédibilité du modèle si aucune correction n’est apportée rapidement.
RealT tente de rassurer sa communauté
Face aux accusations, Real Token affirme ne pas avoir été officiellement notifiée de la poursuite et réserve ses commentaires. L’entreprise explique qu’elle a payé des tiers pour gérer les propriétés et les blâme pour les problèmes rencontrés.
Néanmoins, la plateforme reconnaît que des ajustements sont nécessaires. Elle annonce vouloir résoudre chaque problème et « enfin exécuter sa mission originale ». Comme le souligne un responsable municipal : « Nous envoyons un message : peu importe à quel point votre modèle commercial peut être innovant, vous ne pouvez pas vous cacher derrière la technologie ou les formalités corporatives pour éviter vos responsabilités ».
Ces déclarations visent à calmer les inquiétudes tout en maintenant l’attractivité de la plateforme pour les investisseurs existants et futurs.
Un cas emblématique pour l’avenir de la tokenisation
Cette affaire soulève une question cruciale pour le secteur en pleine expansion : la technologie, aussi innovante soit-elle, peut-elle se substituer à une gestion responsable ? La réponse semble clairement négative. En effet, la tokenisation ne transforme pas automatiquement un bien immobilier en investissement viable.
Sans une gestion efficace, sans contrôles réguliers, et sans mécanismes de transparence solides, même les meilleures innovations technologiques risquent de produire des effets inverses à ceux escomptés. Le cas RealT montre que chaque token émis représente bien plus qu’un simple actif numérique. Il incarne un bien réel, un quartier, un voisinage, et surtout une responsabilité sociale.
Pour que la tokenisation devienne un levier de transformation urbaine et économique durable, elle doit impérativement s’appuyer sur des pratiques responsables. Par ailleurs, un suivi rigoureux des conditions d’habitation s’avère nécessaire. Enfin, une volonté sincère de produire un impact positif à l’échelle locale reste indispensable. L’avenir de la tokenisation immobilière se joue peut-être à Détroit.