Un scénario plus crédible qu’il n’y paraît
L’idée d’une élection nationale entièrement gérée sur la blockchain paraissait encore très spéculative il y a quelques années. Or, des technologies de vote sécurisé sont déjà en phase de déploiement, tant au sein d’organisations que dans des expérimentations étatiques.
Le moteur de cette transformation : des systèmes qui garantissent à la fois l’anonymat, la traçabilité et l’intégrité du scrutin, sans intermédiaires centralisés.
Pourquoi opter pour la blockchain ?

La blockchain propose plusieurs avancées majeures pour un scrutin présidentiel. D’abord, elle assure une immuabilité complète : chaque vote est inscrit de manière permanente et vérifiable, ce qui rend la fraude beaucoup plus complexe qu’avec les systèmes actuels. Ensuite, elle peut renforcer la transparence du processus : tout citoyen habilité pourrait vérifier l’inclusion de son vote sans révéler son identité. Enfin, l’accessibilité augmente significativement : voter deviendrait possible depuis un smartphone ou un ordinateur, même en déplacement.
Une rupture démocratique… ou un saut technologique risqué ?
Cependant, adopter un système de vote sur blockchain implique de relever plusieurs défis. Garantir une identité numérique fiable est primordial : comment s’assurer qu’un électeur est bien unique, majeur et autorisé à voter ? Ensuite, qui contrôlerait les nœuds du réseau pour qu’aucun acteur malveillant ne puisse influencer le processus ? Enfin, faut-il instaurer un mécanisme de secours en cas de bug logiciel ou de faille de sécurité ?
Autant d’enjeux qui exigent une combinaison technologique et institutionnelle solide.
Des expérimentations déjà en cours

Même si une élection présidentielle sur blockchain reste un horizon lointain, plusieurs initiatives démontrent que ce modèle peut fonctionner.
Le projet Vocdoni propose une infrastructure de vote, grâce à la blockchain, utilisée pour des scrutins municipaux, associatifs et même politiques à petite échelle.
De son côté, Snapshot est un outil de vote on-chain très utilisé dans l’écosystème DAO et DeFi, où il permet à des milliers d’organisations de prendre des décisions de manière transparente sans frais de transaction.
Aragon, quant à lui, offre une plateforme complète de création de DAO sur Ethereum, avec des outils de gouvernance distribuée et des mécanismes de vote auditable.
Enfin, l’Estonie, bien que n’utilisant pas encore la blockchain, a largement ouvert la voie avec un système de vote en ligne basé sur une identité numérique sécurisée (e-ID), fonctionnel depuis 2005.
Un cas d’usage concret
Imaginons un scénario en 2032, où la France décide d’organiser l’élection présidentielle via un protocole blockchain national appelé « RépuChain ».
Chaque citoyen dispose d’un portefeuille numérique lié à son identité numérique certifiée par l’État. Le jour du scrutin, les électeurs reçoivent une notification via l’application officielle, qui les guide à travers une interface simple pour voter en quelques minutes. Une fois le choix validé, le vote est grâce à des techniques de chiffrement avancées signé, ancré dans la blockchain publique, et immédiatement comptabilisé.
L’électeur peut ensuite vérifier, via une preuve anonyme, que son vote est bien enregistré. Les résultats sont accessibles en temps réel, consultables par tous, sans aucune manipulation possible, car les données sont infalsifiables. Aucun dépouillement n’est nécessaire, et la Cour constitutionnelle dispose d’un accès direct aux audits cryptographiques de l’élection.
Vers une nouvelle ère du suffrage universel ?

Si un jour une élection présidentielle était organisée sur blockchain, ce serait bien plus qu’un progrès technique : ce serait une révolution démocratique. Un dispositif où la confiance se fonde sur du code vérifiable plutôt que sur des institutions opaques. Un système où chaque vote serait accessible, traçable et inviolable, tout en respectant l’anonymat du citoyen. Bien sûr, cela ouvrirait une nouvelle ère de souveraineté numérique, de gouvernance algorithmique, et soumettrait nos démocraties à de nouveaux enjeux éthiques et techniques.
Ce futur est peut-être encore réservé à 2030, voire 2035. Mais les briques technologiques et les mécanismes légaux sont déjà là. Il ne manque peut-être que la volonté politique de sauter le pas.